Tania de Montaigne – l’assignation

Tania de Montaigne est journaliste, auteure, chroniqueuse, et même chanteuse. Elle est montée sur scène au théâtre du Rond-Point pour interpréter l’adaptation de son livre « l’assignation – les noirs n’existent pas« , puis « Noire »

Tania de Montaigne – l’assignation

C’est alors que la voix de celui qu’elle appelle pudiquement « l’humoriste » raisonne dans la salle. Personne ne rit. Le sketch s’épuise en caricatures racistes. Le malaise s’installe. « Non ce ne sont pas mes lunettes, ce sont mes narines ». Le rire est gras, il dégouline. Comment a-t-on pu s’amuser de ça ? C’était dans les années 80. À cette époque, Tania de Montaigne est une jeune collégienne, elle habite ce qu’on appelle une « cité », à Draveil dans l’Essonne. C’est à ce moment de sa vie qu’elle découvre qu’elle est une Noire. Non, elle ne vient pas de s’acheter un miroir … Elle connaît son corps, sa peau et ses cheveux crépus qu’elle déteste alors par dessus tout. Ce qu’elle découvre alors, c’est que pour les autres, elle fait partie d’un tout, d’un ensemble indistinct, d’un groupe à qui l’on associe toute sorte de caractères, les Noirs, non plus un adjectif avec une minuscule, mais une assignation, avec une lettre majuscule.

C’est cette histoire que raconte Tania de Montaigne au théâtre du Rond-Point. Et c’est d’abord un moment de théâtre subtile et drôle. Outre le fameux « humoriste » qui n’a toujours pas compris paraît-il pourquoi ses sketches étaient racistes, on replonge dans les publicités des trente glorieuses qui n’ont rien à envier aux « bons sauvages » de l’exposition coloniale, mais aussi dans quelques extraits télévisés plus récents et tout aussi « croustillants » comme cette interview incroyable du footballeur Willy Sagnol au sujet des joueurs africains. Oui, nous vivons dans une société qui assigne, c’est-à-dire qui réduit. Tania de Montaigne a gardé le sourire, elle s’y fraie avec optimisme et résume sa philosophie d’une phrase simple : « je considère que je ne connais pas quelqu’un tant que je ne lui ai pas parlé ». Au bout d’une heure et demi et de plein de surprises que je vous laisse découvrir, on repart avec le cœur léger. On ne dira plus jamais que l’on aime la musique Noire parce qu’on sait bien que la musique Blanche n’existe pas. On a compris. L’assignation n’est pas forcément « à résidence ». Elle peut nous poursuivre partout où l’on va. On se quitte en jurant de rejeter les définitions en majuscule.

Pour voir Tania de Montaigne sur scène, « Noire » se joue dès demain, 19 octobre et jusqu’au 23 octobre. Là, elle se transporte dans le sud ségregationniste des années 1950 pour évoquer le destin de Claudette Colvin, symbole de la lutte pour les droits civils aux Etats-Unis.

Noire du 19 au 23 octobre 2021
Théâtre du Rond-Point 2bis av Franklin D. Roosevelt 75008 Paris

rédacteur C lui

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