Dieu qu’ils étaient lourds … Le Lucernaire

Dieu qu’ils étaient lourds

Le Lucernaire

53 rue Notre-Dame des champs, 75006 Paris.
Standard : 01 42 22 26 50

Nous avons découvert ce lieu il y a peu : théâtre, cinéma, librairie : la culture y est multiformes .. Et en plus on peut manger un morceau sur place !

Nous avons été conquis !

Alors je vous livre la critique de LUI, qui décrit tant le lieu insolite que la pièce !

Dieux qu’ils étaient lourds.

D’abord, il faut attendre au bas d’un escalier en colimaçon un peu branlant. On est peu nombreux, quelques dizaines tout au plus, cela donne l’occasion ou l’envie d’observer les autres spectateurs, pas comme dans les grandes salles ou la foule est une et anonyme. L’accès à l’escalier est fermé par une petite chaîne en métal, sous la surveillance souriante d’une jeune ouvreuse. La demoiselle, gardienne des lieux, nous annonce que nous grimperons au Paradis à 19 heures précises et qu’il nous faudra veiller à faire silence pendant la montée. D’autres spectacles se déroulent aux étages inférieurs. Traversera-t-on le purgatoire ?

La salle bien nommée est nichée dans les combles du Lucernaire, lieu culturel multiforme mêlant théâtre, cinéma, librairie, restaurant … Nous montons donc vers le ciel dans un silence religieux – le Paradis ça se mérite – mais c’est peine perdue, sous nos pieds les planches de bois craquent et crissent. Les damnés des étages inférieurs devront supporter les nuisances de notre passage. Et puis, enfin, l’obscurité dense du Paradis nous accueille. On prend place sur des gradins en forme de L qui encerclent la scène. Une voix mystérieuse nous informe que la sortie de secours se situe derrière le grand rideau noir, tout au fond de la salle. On comprend alors qu’ici on ne se trouve pas devant la scène, on est dedans.

Une vieille chanson sortie d’un phonographe du siècle dernier remplit lentement le silence. Puis une voix rocailleuse qui va s’enhardir par la suite pour devenir parfois cynique, parfois jubilatoire. Des propos confus au début, puis nostalgiques, amers, noirs, méchants, désabusés, drôles. Des bouffées de ressentiment, telles les dernières flèches empoisonnées d’un homme qui se réfugie avec délectation dans l’incompréhension de ses contemporains, et qui transforme cette incompréhension en gloire.

Que reste-t-il de sa vie alors que la fin du voyage approche et que le bout de la nuit se profile ? « Ce ne sont que des turpitudes humaines qu’un peu de sable efface. »

Répondant aux questions d’une improbable interview, Céline – car c’est de lui, le grand écrivain admiré et décrié, qu’il s’agit – Céline, donc, défend son style. Jusqu’au bout, il affirme que la forme domine le fond, que les mots prennent le pas sur les idées. Les mots justes, le grand style, pas le fatras des soi-disant auteurs de littérature, le style qu’on ne rencontre qu’une ou deux fois par génération. Céline se bat, refuse les concessions et les confessions face à ses détracteurs. Pas de remords, peu de regrets. Juste un écrivain à la recherche d’une certaine pureté, d’une certaine perfection, au risque que celle-ci ne devienne une « pureté dangereuse ».

Dans l’esprit du dernier texte du misanthrope de Meudon, les « entretiens avec le professeur Y », la pièce reprend des extraits d’entretiens radiophoniques donnés par Céline à la fin des années cinquante. Marc-Henri Lammande est éblouissant. Quel bonheur de voir et d’entendre un acteur, un véritable acteur de théâtre, plutôt que des stars du petit écran qui se débattent pitoyablement dans des rôles trop grands pour eux. C’est juste, c’est émouvant. On oublie un instant qu’on se trouve dans un théâtre, les fesses posées sur des planches de bois, on oublie les quelques dizaines de spectateurs, on s’imagine au coin d’un feu qui crépite, témoin privilégié, échangeant des pensées profondes et des souvenirs de la vie avec un mythe, avec un « monstre » de la littérature.

Dieu que cette heure fut courte.

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