Piazza Fontana – le cinéma italien à l’honneur

Le cinéma italien : une révélation

voilà une dizaine d’années que j’ai eu cette révélation, et Marco Tullio Giordana confirme, une fois encore, la force et la sensibilité de ce cinéma .
Pour moi, tout a commencé avec un premier film, vu seule, un après midi de printemps, dans une salle presque vide, et qui m’a bouleversée: « Pan e tulipani » .J’ai découvert alors le plaisir de s’immerger dans un autre univers, d’oublier la réalité du quotidien et de savourer chaque minute d’humanité transmise par des acteurs hors du commun, dans un film où la vraie vie reprend son sens, où preuve est faite que les bonheurs simples existent et que les gens biens ne sont pas nécessairement ou on le croit.

Et puis se sont succedés une série de  films, ayant tous en commun une finesse, une profondeur et une subtilité des analyses humaines , bien loin du manichéisme forcé des scenarii de films à grand spectacle. Il y a eu « mon frère est fils unique », et puis « la Bella gente » ou encore  » le premier qui l’a dit… »

Mais LE film qui est, pour moi, la référence absolue, le film vers lequel je me tourne quand le monde extérieur devient pesant, reste et demeure aujourd’hui : « Nos meilleures années « 
Ce film, fresque historique de l’Italie des années 70, saga familiale, où l’Histoire et les histoires familiales se croisent et s’entremêlent pour nous offrir un grand film, une merveille d’humanité.

C’est le film qui m’a permis de découvrir le plus bel acteur italien du moment – note personnelle : une telle beauté ne devrait pas être autorisée si vous me demandez mon avis – Riccardo Scarmaccio!
Mais aussi des personnages profondément humains, sensibles, que le réalisateur ne juge à aucun moment mais suit avec intérêt ou encore affection .
« Piazza Fontana » est donc un film du même réalisateur que « Nos meilleures années «  : Marco Tullio Giordana.
Comme il nous l’a dit dit lui même lors de la projection du film, c’est une façon d’apporter un nouvel éclairage à un drame de l’Italie en pleine guerre froide.

Cet attentat, si largement analysé, faisant l’objet d’une littérature abondante et riche, est néanmoins resté impuni, la justice ayant finalement baisse les bras.
Le réalisateur nous raconte :  il était à 200 m du lieu du massacre ce jour de décembre 1969 ; et de rajouter : » c’est une garantie, non pas que le film est nécessairement bon, mais en tous cas qu’il est sincère ! » 

Il était le père de Nicola et de Matteo, les personnages principaux de  » Nos meilleures années« , il a désormais Pinelli et Calabresi dans sa galerie des portraits de l’Italie de cette période tourmentée.
Dès les premières images, le décor est posé : cette période où la tension est palpable, où l’on sent que tout peut exploser, et où finalement tout explose. La période de la guerre froide, sur fond de coup d’état grec , avec une Italie ou le coup d’état est imminent et le peuple partagé entre anarchistes, communistes – le plus grand parti en Europe, et neo fascistes
Des groupuscules apparemment de bords opposés mais infiltrés ou les frontières entre les extrêmes sont moins nettes qu’il ne pourrait y paraître.

Et puis l’état, prêt à toutes les compromissions au nom de la fameuse raison d’état.

Il y a les protagonistes de ce drame :Pinelli , l’anarchiste, et Calabresi le commissaire, qui partagent une estime aussi réciproque qu’improbable.
Et puis le tournant , l’instant où tout dérape. Des dizaines de morts, une bavure policière, la quête du bouc émissaire.
Le cri de détresse de Calabresi :  » non ero li! Non c’ero! »  » je n’étais pas là, je n’y étais pas ».
Durant tout le film, le réalisateur s’applique à comprendre, sans juger, sans caricaturer, sans désigner de façon binaire bons et méchants.

Pour finalement ouvrir la porte à une autre hypothèse, des coupables possibles, loin des coupables désignés à l’époque du drame.

Le titre italien du film : « Romanzo Di una strage », est un hommage à un article du même nom écrit en1974 dans corrière della sera par Pasolini.

Marco Tullio Giordana nous explique que Pasolini avait tout compris , la stratégie de la terreur, les coupables qui n’étaient pas forcément ceux que l’on imaginait.

Il raconte que ce titre est un hommage à celui qui avait su comprendre sans avoir les preuves, ces preuves qui petit à petit ont fait surface.

Deux bombes, la complexité d’une situation, d’un pays, d’un peuple.
Marco Tullio Giordana espère apporter un éclairage complémentaire à ce chapitre noir de l’histoire de son pays.

Pari réussi !

Je tiens à remercier Marco Tullio Giordana pour sa présence, l’intelligence de ses propos, ses analyses, toujours fines, intelligentes et sensibles . Il nous offre là du grand cinéma ; c’est suffisamment rare pour être salué !

Alors, surtout, allez vite voir Piazza Fontana !

sortie le 28 novembre 2012

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